exposition

« Ritual » de Tom Sachs

Malgré la crise sanitaire, la galerie Thaddaeus Ropac à Paris organise l’exposition « Ritual » de Tom Sachs du 20 janvier au 20 Février 2021.

Fondée en 1983 à Salzburg, la galerie Thaddaeus Ropac ouvre en 1990 un nouvel espace d’exposition en plein cœur du Marais, 7 rue Debelleyme. Aujourd’hui la galerie, spécialisée en art contemporain et défendant des artistes internationaux, est présente à Salzburg, Paris, Pantin et Londres.

L’exposition « Ritual » présente le travail de l’artiste américain Tom Sachs. Ce dernier a étudié à l’Architectural Association de Londres, diplômé en 1989 du Bennington College dans le Vermont, il se montre très innovant dans sa pratique artistique. Il est connu dès le début de sa carrière pour ses répliques bricolées et recherchées de chefs-d’œuvre de design toujours traités avec ironie et humour, comme par exemple, lors de sa première exposition où il revisita le mobilier de bureau Knoll avec des annuaires téléphoniques et des rubans adhésifs.

L’artiste se concentre principalement sur la culture et la société américaine mais aussi le rapport entre les mondes artisanal et industriel. A noter également que Tom Sachs a toujours été fasciné par l’exploration spatiale, en particulier le programme Apollo en 1960 et 1970. Il réalisa tout un corpus d’œuvres liées à la NASA, à l’espace et aux vaisseaux spatiaux. Il crée des répliques d’objets industriels courants en utilisant des matériaux du quotidien comme du contreplaqué, du carton, du ruban adhésif ou encore de la résine. Nous retrouvons aussi dans l’ensemble de ses œuvres deux techniques distinctes : la pyrographie, combustion du bois et la marqueterie.

Depuis trente ans, Tom Sachs a effectué de nombreuses expositions personnelles et collectives dans le monde : Etats-Unis, Italie, France, Suisse, Allemagne, Brésil, Autriche, Mexique, Japon et d’autres encore. Il est actuellement représenté par les galeries Sperone Westwater (New York), Gagosian Gallery (Beverly Hills), Thaddaeus Ropac (Paris) et Tomio Koyama Gallery (Japon).

En arrivant dans le white cube, le visiteur est accueilli par deux sculptures : une barbie, fixée au mur sur un socle, et un bloc sculpté, reprise du célèbre Baiser de Brancusi. En s’avançant, douze sculptures totémiques se dressent devant nous, dispersés dans cet immense espace rectangulaire, immaculé et au remarquable haut plafond.

Vue de l'espace principal ©Tom Sachs

L’ensemble de ces sculptures sont exposées sur des socles aux formes modernistes qui témoignent des diverses influences dans la pratique de Tom Sachs. « Ritual » est une exposition où l’artiste se questionne sur le consumérisme américain ainsi que la relation intime qu’il peut y avoir entre un humain et un objet. Il appelle cela le « consumérisme coupable » et précise lors d’un interview : « Lorsque je crée, je médite sur l’objet et la joie d’acquérir un produit est remplacée par le bonheur de le fabriquer. » Toutes ces sculptures-objets sont alors influencées par la vie urbaine d’une métropole telle que New York : les épiceries de proximité, les laveries ou encore les caméras de vidéo-surveillance.

Dès le premier regard, ces sculptures totems nous renvoient à de nombreuses références de l’histoire de l’Art : le Porte-Bouteilles de Marcel Duchamp ou encore la boite Brillo de Andy Warhol. Tom Sachs est un artiste qui crée des œuvres ludiques où contrairement à Duchamp, qui extrait l’objet de l’industrialisation pour le mettre tel quel dans un musée, il revisite l’objet en le fabricant avec d’autres matériaux, il interroge le ready-made et critique le consumérisme. Dans son travail, l’intention artistique permet à l’objet de se démarquer de l’œuvre. Les œuvres de « Ritual » deviennent de véritables objets de culte.

Nous retrouvons parmi toutes ces sculptures,  Tide Bottle  fabriquée en 2020 à partir de techniques mixtes et synthétiques. Il s’agit d’une reproduction d’une bouteille de lessive fréquemment volée à l’étalage en Amérique et caractéristique du marché noir considérée comme monnaie de rue pour la drogue. A travers cette bouteille orange reconstituée au détail près par Tom Sachs, nous retrouvons un écho à la boîte Brillo de Andy Warhol des années 60. Ici, l’artiste ne nous questionne pas sur la surconsommation mais sur l’image de l’objet, l’importance de cette boîte dans la vie quotidienne des américains, symbole d’innovation mais surtout de la violence urbaine.

Tide Bottle ©Tom Sachs

Au fond de la salle se dresse la reproduction d’une souffleuse à feuilles très utilisée dans les jardins et aux coins des rues américaines.  Stihl Leaf Blower  est une œuvre représentative de l’engagement politique et sociétal de Tom Sachs. En effet, les souffleuses à feuilles sont de plus en plus interdites dans les quartiers riches comme Palm Beach ou Beverly Hills pour la nuisance sonore, et de ce fait, cela crée un conflit de lutte des classes aux Etats-Unis. Œuvre politique, sa forme élancée et anthropomorphe fait également référence à la sculpture Bird in Space de Constantin Brancusi, conservée au Metropolitan Museum de New York.

Le travail révolutionnaire de Brancusi sur le rapport entre le piédestal et l’objet ou le piédestal et le visiteur se retrouve au centre de la création de Tom Sachs. En effet, les sculptures totems de « Ritual » sont toutes à hauteur de tête et possèdent des socles aux formes géométriques faisant écho au travail de l’illustre Brancusi : l’œuvre et le socle ne font plus qu’un créant ainsi des sculptures entre 1m40 et 2m de hauteur.

©Tom Sachs

Héritier de Marcel Duchamp et d’Andy Warhol, Tom Sachs poursuit la lignée des ready-made tout en y ajoutant la dimension du bricolage qui lui est propre. Sa remise en question du consumérisme peut être également perçue comme paradoxale car l’artiste travaille depuis plusieurs années avec de nombreuses marques comme Nike. Néanmoins l’artiste s’explique lors d’un interview : « Je pense que je suis un consommateur très coupable et l’une des raisons pour lesquelles mon travail résonne avec les gens, c’est que je ne suis pas seulement un critique vivant dans les bois. J’ai un sac Kelly, je conduis une camionnette Mercedes, j’habite à Soho, mais je le critique en même temps. »

Aujourd’hui, à l’heure où les musées et institutions culturelles restent fermées en raison de la pandémie, les galeries, quant à elles, résistent et nous permettent de nous évader dans l’Art. Nombreuses sont les galeries qui organisent des expositions en ligne et la galerie Thaddaeus Ropac ne déroge pas à la règle, permettant ainsi à un plus large public de profiter et de découvrir le travail de l’artiste : Tom Sacks.

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